En 2021, les émissions mondiales dues à l’utilisation d’énergie ont rebondi jusqu’à dépasser leur niveau de 2019. Entre quotas de production de l’OPEP et envolée des prix, le pétrole est le seul combustible fossile dont les émissions sont restées inférieures à 2019. Le gaz, malgré l’inflation, a connu une hausse de demande dans tous les secteurs. Surtout, le charbon a assuré la moitié de l’augmentation mondiale de la demande d’électricité. La croissance exceptionnelle des énergies renouvelables pendant la pandémie a légèrement ralenti, mais l’ajout de capacités renouvelables continue de croître en 2021. La guerre en Ukraine n’est pas un déclencheur, mais un accélérateur des tensions sur le marché du gaz générées par la reprise de l’économie après les confinements. Si cette crise globale représente une occasion d’accélérer la transition énergétique à long terme, elle agit aussi comme un frein à court terme, en faisant grimper les prix et en offrant un sursis au charbon.

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2020 fut une année entre parenthèses qui, si elle a permis d’accélérer certaines transitions (comme l’adoption massive du vélo dans beaucoup de grandes métropoles du monde), ne reflète pas les dynamiques amorcées avant la pandémie. 2021, nonobstant un premier trimestre marqué par des mesures de confinement qui affectent encore les chiffres d’émissions, confirme les tendances de transition engagées par les économies occidentales : le charbon est en déclin, le gaz de plus en plus concurrencé par des renouvelables en plein essor, et la décarbonation du transport enfin lancées dans certains pays européens notamment conquis par l’électrification. L’inflation des prix du gaz, déclenchée dès le second semestre 2021 par la reprise économique mondiale puis accélérée par la guerre en Ukraine, pousse les États à de nouveaux plans d’investissements pour conquérir une indépendance énergétique fondée sur les énergies bas carbone.

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Le rebond des ventes de véhicules neufs observé en 2021 est marqué par l’accélération de la pénétration des modèles électriques (10 % des ventes mondiales, jusqu’à 20 % en Europe et en Chine, soit deux fois plus qu’en 2020). Du rail à la mobilité urbaine, aucun secteur n’échappe à l’électrification des moteurs, avec des variations régionales : les deux-roues motorisés en Inde (+132 % en 2021), les bus en Amérique latine (+27 %), les vélos en Europe (1/4 des ventes). L’augmentation des subventions publiques à l’achat (+77 %, 273 Md$) est un moteur du marché très efficace, qui permet d’accélérer l’installation d’infrastructures de charge (+40 % en 2021) et d’exercer effet levier plus que proportionnel sur les dépenses privées. Pour autant, le succès des SUV auprès des constructeurs et consommateurs (45,9 % des ventes mondiales), deuxième source de croissance des émissions mondiales, tend à contrebalancer les gains d’efficacité obtenus grâce à l’électrique. De plus, l’efficacité des véhicules étant quasiment proportionnel à leur poids, l’orientation des VE vers les modèles lourds marque une attraction persistante pour l’imaginaire de puissance, qui souligne l’une des principales contradictions de la transition au niveau mondial.

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En 2021, les pertes de couvert forestier et de forêts primaires ont ralenti, sans pour autant inverser la tendance. Parmi les facteurs de déforestation, les incendies ont pris une part accrue dans la destruction forestière, générant d’autant plus d’émissions. Si les principales filières économiques à impact de déforestation (bétail, huile de palme, cuir, papier…) augmentent leur niveau d’engagement – de manière inégale – les indicateurs disponibles pour mesurer les progrès réalisés vers les objectifs internationaux révèlent que les acteurs sont encore loin du compte. L’attraction des financements pour les projets à double impact sur le climat et la biodiversité s’accompagne d’une typologie d’actions plus holistiques, telles que les droits de la nature, les approches en cycle de vie pour mesurer l’empreinte des entreprises, la transformation socioéconomique des chaînes de production ou la certification de projets de compensation à co-bénéfices pour la biodiversité.

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En 2021-22, la reprise de l’économie mondiale, les phénomènes climatiques extrêmes et la guerre en Ukraine ont souligné la vulnérabilité des chaînes de valeur et des interdépendances stratégiques des industries de transition. Des filières comme l’automobile, dans un contexte de concentration des ressources en minerais stratégiques (lithium, nickel, cobalt), favorisent les contrats d’approvisionnement à long terme et l’intégration verticale des chaînes de valeur. De l’ouverture de mines de lithium à la production d’énergie renouvelable, la réindustrialisation oscille entre coopération et compétition. En Europe, aux États-Unis, en Chine et dans les émergents riches en matières premières, l’État planificateur reprend la main pour relocaliser les chaînes de valeur, voire nationaliser les champions nationaux (EDF, Uniper). Dans le même temps, l’inflation des prix de l’énergie opère une sélection darwinienne parmi les acteurs de marchés, à l’avantage des grandes entreprises capitalistiques, soutenues par leurs États de domiciliation.

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Les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées dans le monde. En 2021, l’intensification des aléas climatiques a causé des pertes humaines et agricoles colossales et perturbé le fonctionnement des réseaux électriques (nucléaires, hydroélectriques, transmissions…) et des infrastructures de transport (notamment ferroviaires). Dans le même temps, les besoins d’adaptation de court terme (climatisation, réfrigération, irrigation…) génèrent un surcroît de dépenses énergétiques – essentiellement comblées par les fossiles – qui fragilisent les scénarios de transition et effacent les gains permis par des actions de long terme, comme la rénovation thermique des bâtiments ou l’agroécologie, dont le rythme d’adoption reste lent. À rebours, l’émergence de la « sobriété d’État » dans le débat public, en réaction aux tensions sur le marché de l’énergie, ouvre un nouvel horizon d’action dont l’impact à moyen terme est encore difficile à mesurer.

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À mesure que les effets extrêmes et structurels du changement climatique s’accentuent, les besoins d’investissements et assurantiels pour couvrir et se prémunir des risques deviennent de plus en plus criants. Si les grands bailleurs bilatéraux et multilatéraux dédient une part croissante de leurs financements pour le climat à l’adaptation, la parité avec l’atténuation visée par l’accord de Paris est encore loin d’être atteinte. Entre les CDN, les communications sur l’adaptation prévues par l’accord de Paris et les Plans Nationaux d’Adaptation du cadre d’adaptation de Cancún, les États ont, dans l’ensemble, démarré leur planification de l’adaptation. Mais sur le terrain, les projets d’adaptation manquent encore de mesure de leur impact concret, comme en témoigne la rareté des indicateurs quantitatifs ou qualitatifs de réduction de risques climatiques dans les publications académiques qui s’essayent à des évaluations.

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En 2021, le marché carbone volontaire a battu tous les records, porté par la vague d’engagements des entreprises à atteindre « zéro émission nette ». En particulier, les crédits certifiant les projets de solutions fondées sur la nature (afforestation, reforestation, conservation…) rencontrent un succès florissant et occupent la première place du marché. Les cobénéfices pour la biodiversité et le développement socio-économique des communautés locales sont également très recherchés. Cependant, les crédits d’élimination des émissions, qui permettent la captation et la séquestration additionnelle de CO2 à long terme, demeurent très peu développés. Si elle permet de canaliser des ressources financières privées vers des projets bénéfiques à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, la possibilité offerte aux entreprises et autres organisations de revendiquer la « neutralité carbone » en l’absence de norme universelle suscite la controverse.

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L’année 2021 n’a pas marqué de grande rupture ni d’accélération en matière d’activisme actionnarial : toujours plus de propositions liées à l’environnement sont déposées – surtout liées au climat – mais une minorité d’entre elles sont votées, et très peu recueillent la majorité. Pratique encore marginalisée au début des années 2000, surtout concentrée aux États-Unis, le recours au droit contre les politiques climatiques des États et des entreprises est l’une des tendances majeures de ces dernières années. Une courte majorité des décisions rendues sont favorables à l’action climat, mais leurs effets à long terme sont encore peu étudiés. Malgré tout, cette double pression engage un peu plus les industries carbonées sur les chemins d’une transition dont elles maîtrisent le tempo : aucun acteur majeur ne renonce à ses activités historiques les plus carbonées (pétrole, gaz, charbon…) – qui sont aussi les plus lucratives et de potentiels leviers d’investissements dans la transition.

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Les gouvernements locaux sont aux avant-postes de la mise en œuvre de politiques climatiques adaptées aux besoins des citoyens. En matière de mobilité, les grandes métropoles européennes poussent de plus en plus l’électrification des flottes de bus et la reconfiguration de l’espace public en faveur de la marche et du vélo, tout en limitant la circulation des voitures par l’introduction de zones à faibles émissions ou sans voitures. Si l’essentiel des flottes de bus électriques en Chine, les villes européennes et américaines s’y convertissent de plus en plus. Les gouvernements locaux vont au-delà des objectifs fixés au niveau national, en améliorant l’efficacité énergétique de leurs bâtiments et infrastructures, en introduisant des exigences minimales de performance énergétique, des normes d’adaptation dans les codes des bâtiments, ou en adoptant des politiques de décarbonation du chauffage. Les formes coopératives locales souffrent de la crise énergétique, mais se révèlent efficaces pour l’adaptation.

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