Tribune – Trouver les moyens du développement des énergies renouvelables en Afrique reste un impératif.

Découvrez la tribune partagée de membres de l'association Climate Chance "La stabilisation du climat a besoin de l’Afrique et des acteurs non-étatiques", à l’occasion de la COP de Dubaï.

Tribune des membres de l’association Climate Chance à l’occasion de la COP de Dubaï

La stabilisation du climat a besoin de l’Afrique et des acteurs non-étatiques

À 24h de la fin de la COP28, trouver les moyens du développement des énergies renouvelables en Afrique reste un impératif. Une tribune partagée de membres de l’association Climate Chance :

Les principaux dirigeants du monde se retrouvent au chevet de la planète. Cette nouvelle COP sur les enjeux climatiques sera éclairée par les résultats du « bilan mondial de l’action climatique », un « global stocktake » prévu par l’accord de Paris qui permet de mesurer les dynamiques en cours … et de constater les retards de mise en œuvre.

En 2023, le monde va battre un record d’émissions de gaz à effet de serre. Nous savons depuis la COP26 à Glasgow, que les engagements des États ne permettront pas de tenir l’objectif de stabilisation du climat sous les 1,5 °C d’augmentation des températures alors que l’objectif à 2°C, déjà beaucoup plus désastreux dans ses conséquences, s’éloigne aussi. Il ne s’agit cependant pas de verser dans un « climato-fatalisme » dans lequel se réinvestissent les anciens « climato-sceptiques ». Chaque action engagée réduit d’autant le réchauffement et augmente nos chances d’adaptation.

Le dernier Bilan de l’Observatoire Climate Chance, seule étude mondiale annuelle de synthèse de la réalité des actions entreprises, souligne quelques tendances qui permettent de maintenir l’espoir d’une stabilisation du climat, à la condition qu’elles soient poursuivies et amplifiées.

Il insiste ainsi sur le développement des énergies renouvelables, devenues majoritaires dans les investissements financiers énergétiques mondiaux. Leur vitesse de déploiement reste néanmoins insuffisante pour réduire la place des énergies fossiles, l’argent du pétrole continuant d’aller au pétrole. Par le résultat de leurs actions, des États européens, des collectivités territoriales, de grandes entreprises et des mouvements citoyens montrent que cette accélération est possible.

L’électrification des usages est un deuxième facteur d’espoir. De la Chine à l’Europe, l’impressionnante mutation du secteur automobile, avec une perspective de sortie du moteur thermique en une quinzaine d’années, montre que la synergie entre réglementations étatiques et stratégies volontaristes des groupes industriels peut donner de vrais résultats. Nous regrettons néanmoins la production de véhicules toujours plus lourds du type SUV qui se traduit par des besoins de matières premières et d’énergie toujours grandissants.

Autre enjeu, la déforestation : elle a certes ralenti, mais elle reste à un niveau incompatible avec le maintien et le développement de puits de carbone forestiers, indispensables eux-aussi à la stabilisation du climat. Quelques pays semblent montrer la voie. Ainsi, l’Indonésie a adopté de nouvelles législations, qui se traduisent par un fort ralentissement de sa déforestation. Mais les inquiétudes sont fortes pour l’avenir des deux grands bassins forestiers que sont l’Amazonie et le Bassin du Congo. Le rapport Climate chance insiste sur le rôle très important des Peuples Autochtones et communautés locales dans cette préservation.

Ce rapport n’élude pas une tendance claire à l’échelle mondiale : l’uniformisation des modes de vie sur des modèles très consuméristes. Nous ne pouvons plus nous représenter le monde uniquement entre un Nord « émetteur de CO2 » et un Sud qui en subit les conséquences. Nous vivons sur une planète où les riches et les classes moyennes urbaines émettent des quantités de CO2 insoutenables, en Chine ou aux États-Unis, en Europe et même dans de grandes villes africaines. Cette tendance s’oppose à la réduction des émissions mondiales et à une transition juste. La bataille culturelle de la sobriété, de l’alimentation à la mobilité, est loin d’être gagnée.

Cette analyse nous amène à souligner plusieurs grands enjeux sur lesquels la prochaine COP devrait s’engager.

Le premier est donc la nécessité d’une accélération massive des investissements dans les énergies renouvelables, permettant la nécessaire sortie des énergies fossiles. La finance internationale, publique comme privée, doit en faire une priorité. Une attention particulière devra être apportée aux pays les moins développés, qui doivent bénéficier d’outils financiers appropriés. Nous le redisons ici, les agendas du climat et des objectifs de développement durable doivent être conduits ensemble, sinon, nous n’atteindrons ni l’un, ni l’autre. Nous avons aujourd’hui besoin d’une feuille de route du développement des énergies renouvelables en Afrique, associant plus que jamais les territoires et la société civile, portant l’exigence d’une transition juste et de l’égalité de genre. Contribuer à son élaboration sera l’objectif du prochain sommet « Climate Chance Afrique » en 2024.

Le maintien des puits de carbone est un autre enjeu majeur. Nous ne pouvons pas continuer à soutenir aussi peu les pays, par exemple du bassin du Congo, qui aujourd’hui maintiennent leur couvert forestier, rendant ainsi service à toute l’humanité… sans que la communauté internationale ne finance en retour un tel engagement. Nous ne pouvons pas nous contenter de mobiliser quelques dizaines de millions en soutien de ces politiques de préservation, là où le service rendu se chiffre en dizaines de milliards. L’Europe, qui va générer des milliards de recettes pour son budget via le système des quotas carbones, doit en mobiliser une part très significative à destination de pays bien moins riches, dont les efforts nous sont tout aussi nécessaires pour la stabilisation du climat. De vrais mécanismes doivent être définis pour la préservation des zones forestières et le développement de systèmes alimentaires durables.

L’examen des actions des dernières années montre aussi que les Etats doivent mieux accompagner les collectivités territoriales et les organisations de la société civile qui, souvent, avancent plus vite et de façon mieux ancrée dans la réalité, notamment sur le volet de plus en plus prégnant de l’adaptation.

Une tribune ne peut évidemment suffire à tout aborder et bien d’autres enjeux seraient à traiter mais si la COP de Dubaï peut permettre d’avancer sérieusement sur ces questions précises, alors, elle ne sera pas vaine.

Le 11 décembre 2023

Liste des signataires, membres à titre individuel de l’association Climate Chance :

• Ronan Dantec, Président de Climate Chance, Sénateur de Loire-Atlantique
• Luc Gnacadja, Président de GPS-Development, ancien Ministre de l’environnement du Bénin
• Anne Barre, Coordinatrice programmes genre et climat de WECF
• Jean-Pierre Elong Mbassi, Secrétaire général de CGLU Afrique
• Marie-Noëlle Reboulet, Présidente du GERES
• Jean Jouzel, Climatologue, ancien Vice-Président du groupe scientifique du GIEC, Président d’honneur de Climate Chance
• Gilles Vermot-Desroches, Vice-Président Citoyenneté de Schneider Electric
• Semia Gharbi, Présidente de l’AEEFG
• Mohamed Sefiani, Maire de Chefchaouen et Ambassadeur régional de la Convention des Maires
• Bernard Soulage, Président du conseil scientifique du GART
• Jean-Louis Bal, Président d’honneur du SER
• Brigitte Bariol-Mathais, Déléguée générale de la FNAU
• Patrice Burger, Président de CARI
• Françoise Coutant, Conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine
• Xavier Crépin, Architecte-urbaniste
• Yann Françoise, Expert villes et climat
• Mohamed Handaine, Président du Comité de Coordination des Peuples Autochtones d’Afrique
• Bettina Laville, Présidente d’honneur du Comité 21
• Gilles Luneau, Rédacteur en chef Global magazine
• Christine Moro, ancienne Ambassadrice déléguée pour l’action extérieure des collectivités territoriales
• Christian Philip, Secrétaire Général de CODATU
• Bruno Rebelle, Consultant indépendant ECOLOGIKA
• Secou Sarr, Secrétaire Exécutif du réseau international Enda-TM
• Vaia Tuuhia, Directrice des programmes Enki Development
• Frédéric Vallier, Expert développement durable, ancien Secrétaire général du CCRE